Pendant que ça joue à celui qui déchire sa chemise le plus violemment et spectaculairement possible pour s’indigner de la manière dont Pierre-Elliot Trudeau a voulu nuire à l’économie du Québec, moi je déchire la mienne pour protester contre la mort tragique de Shayne Tremblay, un jeune autiste de 19 ans. Il est mort seul et embarré dans sa chambre de la ressource d’hébergement Manojlo Govedarica de Sherbrooke en 2017.
Mourir de cette manière est totalement inhumaine. Mourir seul, embarré dans sa chambre, dans des souffrances atroces, incapable de demander de l’aide, incapable d’implorer qu’une âme charitable appelle une ambulance. Mais bon, Shayne est « juste autiste » aussi… On s’indigne, on oublie tout et puis voilà. Pendant ce temps, voilà quatre ans que sa famille de Shayne espère que justice soit faite.
Dans la nuit du 25 décembre 2017, la surveillance de la résidence n’était pas suffisante au moment du drame, c’est à dire lorsque Shayne est mort d’une pancréatite aigüe. Drôle de manière de fêter Noël… De 19 h à 7 h, on verrouillait les portes et on laissait les bénéficiaires à eux-mêmes. Shayne avait manifesté des symptômes la veille, mais aucun employé n’avait cru s’en occuper, lui faire consulter un médecin. C’est vrai que c’était Noël, hein ?
Le CIUSSS de l’Estrie-CHUS devait s’annoncer À L’AVANCE qu’il y aurait une visite-surprise des lieux. Évidemment, ça donnait le temps à Manojlo Govedarica de préparer tout le monde. Le CIUSSS devait même, selon une entente de service, PRENDRE RENDEZ-VOUS (!!!!) pour ses inspections ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Et Manojlo Govedarica s’en tire sans accusation puisque monsieur était en vacances… C’était en 2019. À cause de cela, le DPCP n’a voulu porter d’accusation. Nous sommes en 2021 et personne n’a payé pour ce crime. Parce que s’en est un, justement. Traiter les personnes vulnérables de cette manière est inacceptable. Cela fait des décennies qu’on le dit et personne ne s’ajuste, personne ne fait amende honorable, aucun politicien n’ose changer le cour des choses.
Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Cet hiver, on avait appris le décès d’un autiste de 52 ans au Centre hospitalier Notre-Dame dans des circonstances presque similaires. Personne ne l’avait surveillé pour éviter qu’il arrache le matériel respiratoire auquel il était rattaché. Sous l’iceberg, combien d’histoires d’horreur, de batailles contre une machine bureaucratique énorme, de
Il n’y a personne parmi les faiseurs et faiseuses d’opinions (j’entends par là les chroniqueurs et chroniqueuses, que ce soit à la télé, à la radio ou dans les journaux), qui va s’élever contre ça. Après tout, le sort des personnes vulnérables ne génère pas assez de clics, ça ne frappe pas assez l’imaginaire, ce n’est pas assez spectaculaire, ne suscite pas assez de débats intéressants. On est choqué et on passe ensuite à autre chose. Toujours à autre chose.
Et pendant que tout ce beau monde se prend aux cheveux sur Twitter, il y a d’autres Shayne Tremblay dans d’autres ressources, d’autres CHSLD, d’autres chambres d’hôpital, dont la vie est en péril en raison de l’incompétence d’employé.es et de propriétaires de résidences, en raison de l’indifférence de hauts fonctionnaires et d’organismes qui vont passer maîtres dans l’art du tennis en s’envoyant constamment la balle.
Ce texte a été écrit avec une certaine colère. Je peux comprendre que mes propos vont écorcher certaines personnes au passage.
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