Maude Goyer, cette journaliste et blogueuse (Maman 24/7) a publié dernièrement son tout premier roman intitulé Maman est partie chercher du lait. Sachez d’entrée de jeu que le titre n’a aucun rapport avec la levée de boucliers pro-lait du Québec que nous connaissons actuellement. En effet, le sujet est la charge mentale. Ça brasse !
Le roman nous entraîne dans l’univers d’Isabelle, une journaliste et maman de deux enfants. Elle est en couple avec Jean-Michel, un homme qui semble extraordinaire, sauf qu’il ne semble pas tout à fait comprendre tout ce que sa conjointe accomplit pour maintenir la famille à flot. Lui, bien sûr, fait son possible, mais ce n’est rien comparativement au reste. Si bien qu’un jour, Isabelle décide de partir sur un coup de tête et se paie un beau « road trip ».
En cavale, bien sûr qu’elle respire (enfin) et qu’elle passe proche de faire des choses regrettables. Elle se sent libre, quoi ! Vraiment ? On ne part pas comme ça sans faire d’introspection au volant. Isabelle réfléchit beaucoup : où a-t-elle merdé ? Pourquoi ? Comment faire pour reprendre sa vie d’avant ? Est-ce que mes enfants sont corrects ?
Il y a une vie avant et après l’arrivée des enfants. Ça, nous le savons.
Il y a aussi une vie avant et après une naissance catastrophique, à savoir la grande prématuritée. Puis il y a une vie avant et après l’autisme. Ça, c’est notre Maëlstrom à nous. Une mer démontée dans laquelle nous n’avons pas le choix de faire un travail d’équipe. Il y a des moments où on tente d’en faire plus parce qu’on tient pour acquis que l’autre est fatigué(e), que l’autre en a assez sur les épaules comme ça, que l’autre doit décompresser et se distraire aussi. On tentait de se prouver l’un à l’autre que l’on pouvait gérer.
J’ai été moi aussi un Jean-Michel, lorsque je travaillais de neuf à cinq dans un bureau. On sortait parfois pour le lunch, il y avait le party de Noël où je m’emmerdais toujours parce que je me sentais loin de ma famille. Je revenais à la maison, le souper était prêt, Laurent était revenu de ses rendez-vous, de l’école, de ses cours d’escalade, restait juste à aider dans les tâches ménagères, donner le bain, changer les couches, puis aider dans les devoirs (surtout français, mais pas les maths, ni tout ce qui impliquait des calculs), les rencontres de parents, les rendez-vous importants à l’issue desquels il fallait prendre des décisions, etc.
Je participais le plus et le mieux possible. Or, j’avoue que, toute la logistique, c’est Sophie qui s’en occupait. Tout le stress des rencontres, toute la peur que Laurent fasse peu de progrès avec une spécialiste ou une autre, toute Ce que je réalisais était bien peu comparativement à ce que Sophie faisait.
Travailleur autonome depuis 2014, j’ai beaucoup plus le nez dans les brassées de lavage, les rendez-vous chez le médecin et la popote qu’auparavant. J’ai beaucoup appris sur l’art de la logistique en me faisant aider par Sophie. Ensuite, tout est allé comme sur des roulettes. Et j’espère que les roulettes roulent toujours bien, car je n’ai nullement envie d’être aussi bête et aveugle que le Jean-Michel du roman de Maude Goyer !
De plus en plus de pères « se prennent réellement en mains » et participent de manière égale à ce gros travail d’équipe qu’est la famille. Et il y en a d’autres qui ne comprennent pas. Et nous payons pour ces têtes brûlées. Et j’en ai marre.
Maude Goyer a eu un malin plaisir à me faire :
a) Rager (contre la charge mentale, contre Jean-Michel)
b) Douter (de moi)
c) Rire
d) Me questionner
Ma charge mentale : la charge mentale
Me questionner beaucoup. Me questionner tout le temps. C’est un peu ma charge mentale. Ça et bien d’autres choses. D’ailleurs, je dois vous avouer que j’ai lu ce livre alors que j’étaits d’une humeur massacrante, alors que la charge mentalité commence à me peser lourd !
Avant de me traiter de disciple de François Lambert, je vous recommande fortement de lire jusqu’à la fin. Vous serez alors très surprises de ce que je vais avancer. Le problème avec la charge mentale, c’est qu’elle est devenue… ma charge mentale.
Je comprends fort bien le principe, j’ai souvent avoué mes torts en la matière et fait tout ce qui était en mon pouvoir pour devenir une charge plus appréciable.
Le problème, c’est que je veux tellement en faire, tellement démontrer que je suis présent pour mon fils, présent pour ma femme, qu’il m’arrive désormais de m’indigner parce qu’on me prépare mon repas.
-Mon repas ? Mais… je peux le faire moi-même !
Cette simple chose me remplit alors d’une culpabilité inexplicable. Je m’indigne un peu parce que je refuse que ma femme se borne à jouer les joyeuses ménagères. C’est juste un repas. Ça lui fait plaisir. Or, je crains toujours de passer pour un sale valet du patriarcat.
C’est bête, mais c’est ça.
« Je veux changer de rôle, je dois. Simone, Rémi, Jean-Michel. Je les aime. Mais je ne nous aime plus », écrit Maude Goyer en page 164 au terme de la cavale d’Isabelle. Une phrase qui arrive à point dans mes réflexions.
Les mères veulent donc changer de rôle. Je le comprends. Si je voulais faire l’imbécile, j’aurais sans doute dit « mais pourquoi elle ne l’a pas écrit avant?!!? ». Mais il fallait passer par là, à travers cette histoire qui ressemble, je dois l’avouer, à tellement d’histoires. J’ai reconnu certaines mères là-dedans…
Tant qu’à nous, il faut que nous soyons moins idiots. Il faut parler, savoir écouter le point de vue de sa conjointe, savoir faire une introspection, trouver ensemble des pistes de solution pour que l’équilibre soit atteint. Également, une des façons de comprendre la spirale de la charge mentale, une spirale qui n’est pas sans fin à condition de s’y mettre, c’est de lire ce roman. Même si la fin m’a fortement ébranlé. Même si la fin, en fait, peut ébranler tout le monde.
C’est un livre qui est tellement bien construit que j’ai douté de moi pendant quelques jours, alors que j’écris un roman qui parle d’anorexie masculine. C’est vous dire si elle écrit bien, Maude Goyer. Même si… Bon, j’arrête.
Autisme à Thunder Bay
Parlant de me fâcher, il y a une séquence dans le livre qui met en scène une mère monoparentale de trois enfants, dont un autiste. « Bon ! Laisse-moi deviner, le père s’en occupe plus, c’est ça ? » EXACTEMENT !
Oui, ça arrive. Des pères qui se défilent dès qu’il y a un problème, il y en a. Or, je trouve que les romancier.ères prennent trop souvent ce raccourci papa + autisme = irresponsable. J’ai hâte de lire quelque chose de positif sur l’autisme et la paternité dans la littérature. Même le père dans le roman Le Bizarre incident du chien dans la nuit se fait revirer ça big time, même s’il est un père attentionné et impliqué.
Pour vivre dans l’autisme, c’est peut-être le seul bémol que je peux donner à ce roman. C’est un tout petit bémol.
Merci pour cette critique, tu m’as donné envie de le lire..Quant aux témoignages plus positif sur l,autisme…lance toi! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne