Je « m’attaque » ici à quelque chose qui a marqué mon existence : un film de Francis Veber. Le Jouet a eu tout un effet sur moi, mais c’est une autre histoire. Même chose avec La Chèvre dont la scène de l’avion me fait rire tout seul chaque fois que je trouve dans un Boeing ou un Airbus. Ici, je vous parle du Dîner de cons. Ma vision par rapport à ce film a un peu évolué depuis que je sais que mon fils est autiste. Explication ? Les intérêts spécifiques qui se font remarquer par des collections les plus hétéroclites.
Cher Francis Veber
J’aimerais m’entretenir avec vous sur les intérêts spécifiques propres à l’autisme et le drôle de lien que j’en fais avec Le Dîner de cons.
À force d’y penser, j’ai comme l’impression que ce « lien » nous ridiculise malgré nous, malgré vous et malgré les fans finis de votre comédie.
Vous ne me suivez pas ? Laissez-moi alors vous expliquer ma « stratégie ».
J’ai toujours été un grand fan de votre oeuvre, en particulier de votre pièce-devenue-film Le Dîner de cons. Or, depuis que je sais que mon fils est autiste de haut niveau, je perçois votre chef-d’oeuvre d’un autre oeil…
Ils sont tellement drôles, ces collectionneurs de boomerangs et de louches, ces constructeurs de maquettes, ces passionnés de planche à voile et tout le reste ! Toujours à vivre dans leur collection, n’est-ce pas ? Il ne faut pas collectionner pour vivre mais vivre pour collectionner, n’est-ce pas ? Ils possèdent cette passion étrange de collectionner tout et rien, de se documenter rigoureusement sur chaque objet et ça fait rire, n’est-ce pas ?
Dans mon langage, ces passions pour les boomerangs, les louches ou les planches à voile s’appelle des intérêts spécifiques. J’en ai eu certains depuis ma jeunesse à aujourd’hui : collection de drapeaux, d’images pieuses, de soldats de plomb, de statuettes religieuses, de comics, etc. Si vous demandez à ma femme, elle pourrait vous affirmer que je serais certainement en mesure d’en parler des heures et des heures ! Elle le connaît bien, son mari.
Laurent, de son côté, est féru de Lego, de la bataille de Pearl Harbour et de figurines historiques. Il est surtout un passionné d’Italie. Il connaît les principaux artistes, chanteurs et chanteuses, clubs de foot et de rugby, acteurs et actrices, villes, villages et régions, mets, etc. Lui aussi pourrait être invité un mercredi soir, si vous voyez ce que je veux dire…
Oui monsieur Veber, c’est sans doute très drôle, votre Dîner de cons. Or, toutes ces passions démesurées, typiques chez plusieurs autistes et que mon fils partage à tout le monde, est-ce qu’elles le feraient réellement passer pour un con aux yeux de la société ? Et vous ? Les trouvez-vous cons, tous ces gens ?
Je peux me défendre quant à mes intérêts démesurés pour les drapeaux et les soldats de plomb. Combien de fois on m’a dit « es-tu libre mercredi soir pour parler de ta passion ? » Laurent, de son côté, ne peut réellement comprendre si l’on se moque de lui ou non. Et c’est justement cela qui me blesse. Vous comprenez, monsieur Veber ?
De toute manière, je crois que la France considère depuis trop longtemps l’autisme comme une maladie et les autistes comme des cons. Ce n’est d’ailleurs pas Macron, votre président de la République, qui a déjà utilisé le terme « autiste » comme une insulte à l’endroit d’une autre personne ? À moins que ce soit Valls ? Ou Fillon ? Je ne sais plus.
Quand c’est pas un politique qui emploie l’autisme pour dénoncer un « manque de communication », c’est Laurent Ruquier qui s’en amuse devant un parterre hilare.
Cela pourrait-être un beau sujet de film ou de pièce de théâtre : faire triompher un autiste contre un neurotypique qui se fout de lui. Qu’en pensez-vous, monsieur Veber ?
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