La fête des pères

On n’écrira pas trop sur l’autisme aujourd’hui. Concentrons-nous plutôt sur la fête des pères qui arrive à grands pas. En effet, le 18 juin, tous les papas du monde, ces grands dadets distraits et irresponsables, si l’on se fie aux nombreuses pubs les dépeignant, vont recevoir plein d’amour et de reconnaissance !

C’est un moment de l’année qui me déprime un tout petit peu… Rien qu’un tout petit peu. Comme avant Noël. Ou même avant la Saint Valentin. Dans le temps des Fêtes, je « revis » un peu la naissance difficile de Laurent. Quant à la Saint Valentin, je me sens « encore » dans le bureau de la psychologue à recevoir le diagnostic d’autisme de notre fils. Or cette fois-ci, rien de spécial qui pourrait m’inciter à une séance de pelletage de nuages noirs.

Alors pourquoi est-ce la même chose pendant la fête des pères ?

Je mets indirectement la faute sur une ribambelle d’articles et/ou textes d’opinion que l’on retrouve sur certains blogues. Bien souvent, ce n’est pas tellement flatteur. Même Cool Dad, un blogue masculin, se lance dans une inutile guerre des sexes ces jours-ci avec le hashtag #penispower. Donc textes qui me font pomper +  suggestions-cadeaux, mais rarement des sujets profonds et objectifs sur la paternité.

Les top 20 de cadeaux vraiment cool m’énervent aussi parce que trop souvent, ils emprisonnent les pères dans le carcan du « vrai gars ». L’équation poker+whisky+auto+hockey = super papa est partout. Même Renaud-Bray se met de la partie en suggérant un bock à bière avec des messages épais dessus…Lorsqu’on sort des sentiers battus, c’est-à-dire lorsqu’on propose un top 20 de cadeaux « tendances », c’est TOUJOURS pour refaire notre look parce qu’on le sait bien, on s’habille mal !

Prescription : établir sa propre liste de cadeaux qui se lit comme suit

  • Du répit à deux
  • Une soirée à deux chez Ristorante Pomodoro
  • Une bouteille de vin rouge italien
  • Continuer ce que je fais

Honnêtement, j’ai tout ce qui me faut : ma femme, mon fils, ma maison, mes amis qui habitent à 10 minutes de chez moi (ils vont se reconnaître), ma machine à café, mes livres.

Je n’ai besoin de rien d’autres. Même pas de me répéter que je suis quelqu’un d’extraordinaire.

Qu’est-ce que j’accomplis d’extraordinaire en tant que père qui mérite que l’on s’arrête un dimanche pour me dire « good job » ou « papa super héros » ? Absolument rien. Je fais ce que je dois faire, je « fais ma job », c’est tout.

Et je n’ai pas eu besoin des pubs imbéciles à la télé ou les articles de TPL Moms pour m’ouvrir les yeux.

Ce bref constat, je l’ai fait moi-même.

Entre deux paragraphes de communiqué, d’article de journal ou de texte pour papautisme, je fais du pliage. Parce que ce matin, ma femme a fait une brassée. Ainsi, Laurent aura un pyjama à enfiler avant d’aller dormir. Voilà. Après, je vais sûrement mettre d’autres vêtements sales dans la laveuse, question de ne pas attendre un Everest de linges sales pour agir. Si elle sait comment allumer un BBQ, je peux aussi choisir le bon cycle de lavage !

Je fais mon possible avec mes forces et mes limites, le tout sans cape ni t-shirt « King des pouliches ».

Qu’est-ce que je fais d’extraordinaire ? Rien. J’ai fait ce qu’il fallait faire pour Laurent, d’abord grâce aux conseils de Sophie, ensuite à me fiant à mes propres instincts. Trop souvent, je ne me suis pas occupé de ce qui est matériel, mais j’ai agi de la sorte parce qu’il y avait un besoin réel de remettre un humain sur ses rails et de lui apprendre à s’accepter et de fonctionner dans ce monde où nous évoluons.

Tout ça ne fait pas « père » aux yeux de la société dite neurotypique ou normale.

Je n’élève pas mon fils de la bonne manière, je ne lui inculque pas de bonnes valeurs (oh que oui, je le fais ! Mais avec un autiste, il faut parler son « langage » et ce n’est pas toujours simple. Va savoir pourquoi, ça passe mieux en italien), j’ai tendance à le « surveiller » un peu trop (13 ans et encore un peu inconscient des dangers, notamment les voitures, je le laisse se faire frapper pour lui inculquer une leçon de vie), j’en fais trop pour lui, je m’inquiète trop pour rien tout en vantant sa grande intelligence qui va lui permettre de se débrouiller dans la vie en claquant des doigts, etc.

Peu importe où je vais avec mon fils, je capte toujours cette méfiance qui émerge du regard des autres. Maudit regard de vipère qui, influencé par l’ignorance de la « chose autistique », va juger les agissements de Laurent puis mes approches pédagogiques. Il y a aussi la famille qui accomplit des choses extraordinaires, les amis qui veulent aider à tout prix et qui le font au-delà de nos espérances.

J’aurai beau dire que je me fous de ces jugements comme on se fout des états d’âme de Kanye West sur Twitter, il y aura toujours un « red alert » qui s’activera en moi dès qu’une personne aura des doutes sur mes capacités d’être un père responsable. Déjà que je ne possède pas une confiance à toute épreuve, voilà que je dois maîtriser une obsession de performance qui se décuple chaque fois qu’on me regarde plus longuement que prévu lorsque j’interviens avec mon fils.

Ce 18 juin, je dois oublier tout cela, car dans la tête de Laurent, la fête des pères est simplement une journée à la fois comme une autre et extraordinaire…

Comme une autre parce qu’il ne ressent pas le désir de me célébrer. Dans sa logique de Vulcain, il a son papa chaque jour. Je l’élève, je l’éduque, on joue au basketball ensemble, on se tiraille (mais pas trop pour éviter qu’il ne s’excite trop), on écoute de l’opéra et c’est très bien comme ça. De toute manière, puisqu’il est un passionné d’Italie, la fête des pères est déjà passée dans son esprit. C’était le 19 mars, jour de la San Giuseppe. On a cuisiné un repas spécial, on a mangé des zeppole.

Extraordinaire puisqu’au cours de cette journée, on s’habille bien pour aller au restaurant, on voit les grands-parents, on s’amuse, on fait quelques blagues, on se sent bien entouré et… c’est très bien comme ça !

C’est tout… pour l’instant ! À tous les pères-courage qui font leur possible, qui peinent avec leur conjointe à tasser les obstacles que le gouvernement met sur leur route, qui s’investissent dans le présent et le futur de leur(s) enfant(s) différent(s), qui ont la force de passer outre le jugement des autres (comment vous faîtes?), qui réussissent à maintenir un équilibre autant dans le couple que dans la famille et j’en passe, bonne fête.

À tous les pères aussi, et plus particulièrement au mien. Il a été un père très travaillant et nous avons manqué de rien. Il y avait la firme comptable à diriger, les nombreuses sorties auxquelles il fallait aller, les congrès, les voyages d’affaires mais, contrairement à d’autres enfants dans la même situation (papa homme d’affaires), nous avons manqué de rien : des fins de semaine famille, des vacances super, beaucoup d’attention, d’amour et de fierté pour ce qu’on faisait. Pour la fierté, cela m’a pris du temps à comprendre, mais maintenant je le comprends.

En prime, des situations comme celle-là :

Dring ! Dring !

Moi : Allô ?
Monsieur : Bonsoir, comment allez-vous ?
Moi : Je vais bien, merci. Vous ?
Monsieur : Ça va. Est-ce que je pourrais parler à votre père s’il vous plaît ?
Moi : Un instant svp. Papa ? Robert Bourassa au téléphone
Papa : Parfait. Je le prends dans mon bureau

La même anecdote existe avec Brian Mulroney, Lucien Bouchard et des grands noms de l’entrepreneuriat québécois.

Merci pour tout, je t’aime

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